mardi 10 juillet 2012

(IV) Semaine - ou presque - "Carlo Maria Giulini" (discographie)

Avec énormément de retard, du à des examens de fin d'année et à un mémoire plutôt lourds à digérer, voici enfin la suite tant attendue de notre sélection discographique Giulini - du moins en Sibérie, d'après les statistiques de ce blog.

Voici un disque à mon sens indispensable à qui veut comprendre un peu mieux le chef italien, nécessaire à qui souhaite découvrir un autre Vivaldi, et indiscutablement prioritaire dès lors que l'on souhaite découvrir la musique religieuse de Verdi. 






Au programme, on a donc le Credo de Vivaldi, et les Quatre Pièces Sacrées de Verdi, avec l'ami Giuini à la baguette d'un Philharmonique de Berlin efficace et d'un très beau choeur Ernst Senff. 

Commençons par le Credo. L'interprétation, autant le dire, est complètement hors style. Giulini propose une lecture à l'envergure sonore très large et très vaste: soulignons d'emblée l'énorme travail sur la spatialité de l'orchestre et du choeur. Il est tout à fait remarquable, d'ailleurs, que l'un et l'autre parviennent à un tel équilibre sonore: jamais l'un ne prend le pas sur l'autre, jamais le son ne paraît confus, étouffé ou indifférencié. 

On pourrait reprocher à l'ensemble un léger manque de respirations: le tout est joué d'une traite, et porté par le souffle d'un choeur aux timbres extrêmement travaillés, Giulini propose une version très resserrée rythmiquement, et s'autorise peu d'écarts au tempo initial. A son crédit, on pourra souligner qu'il s'agit aussi, peut-être, d'une des compositions les plus compactes et contenues de Vivaldi. 

L'intérêt de cet enregistrement est double: d'une part, il permet de découvrir un Vivaldi un peu hors style, je l'ai dit, et donc tout à fait passionnant. Les choix interprétatifs très marqués du chef italien semblent orienter la lecture vers la représentation musicale d'une cathédrale sonore de voix. Le tout prend, écouté d'une traite, une envergure étonnante, et la profondeur du son comme l'extrême tenue des phrasés participent d'une direction d'orchestre et de choeur remarquablement inspirée. 

Verdi est peut-être l'un des compositeurs qui réussissait le mieux à Giulini. L'oeuvre sacrée du grand maître italien semble parfaitement correspondre aux élans du Giulini de la maturité (1991). Le défaut du  Vivaldi qui précède (le manque de respiration) est ici corrigé d'emblée. L'Ave Maria est empreint d'une belle solennité, et la direction de Giulini très austère met en lumière la profondeur du texte verdien avec beaucoup de grâce et de modestie. 

Le Stabat Mater qui suit est peut-être un sommet discographique ultime: les pauses ménagées par Giulini sont une magnifique illustration de ce que le silence peut avoir de musical. L'orchestre et le choeur se fondent parfaitement dans la mystique métaphysique qui semble habiter le chef ici. Giulini touche à l'essentiel de cette musique religieuse: l'agogique est réduite au strict minimum, et le texte respecté n'empêche pas l'interprétation d'être caractérisée par une expressivité des voix, un travail sur les timbres et une sonorité orchestrale remarquables. 

Le Laudi alla Vergine Maria que propose Giulini s'apparente presque à une promenade hallucinée, et l'interprétation semble déchirée entre la poétique de la rêverie et la profonde religiosité du texte musical. Il faut mettre au crédit des voix féminines une clarté dans le phrasé et un sens articulatoire saisissants. 

C'est peut-être le Te Deum qui nous rappelle le mieux que Giulini, contrairement à son injuste réputation, est un chef à trempe: l'envergure sonore, la spatialité de l'orchestre, la profondeur des timbres, la violence du propos musical comme l'extrême sévérité de la direction orchestrale soulignent ici l'extrême modernité du texte verdien. Le propos est presque wagnérien, par moment, et Giulini propose à l'oreille de l'auditeur une palette de phrasés, d'attaques et de nuances stupéfiante. 

Un très bon Vivaldi, étonnant, singulier et différent, et un Verdi stupéfiant de radicalité, d'austérité et de violence contenue, de poésie sombre et toute empreinte de religiosité, font de ce disque un indispensable à toute collection discographique giulinienne










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