samedi 19 mai 2012

Dvorak, 4ème symphonie - (Discographie)

Dans la 4è, la comparaison oppose deux versions évidentes: Rowicki et le LSO, et Kertész, toujours avec le même orchestre. La comparaison de ces deux intégrales se révèle tout à fait fascinante: l'orchestre identique, d'un niveau peu ou prou équivalent, selon les versions, permet de mettre en relief l'influence d'un chef, d'une direction d'orchestre, sur l'interprétation proposée d'une même partition. J'écarte d'emblée Kubelik, lourdingue, balourd, et beaucoup trop germanique dans cette 4ème symphonie, qui se veut aérienne. 

Rowicki propose une interprétation très subtile de l'oeuvre, très colorée - encore - et dynamique. Le mouvement, le rythme, le ménagement des nuances et des tempi, tiennent une place prépondérante dans le projet qui est le sien: peu à peu, l'espace sonore de la symphonie se déploie dans toute sa complexité, dans toute la richesse d'une orchestration bien plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord. Le premier mouvement, Allegro, est un modèle du genre: les attaques sont très percutantes, très incisives, parfois un peu trop massives ou compactes, mais très marquées. Le rythme est mis en exergue: on entend presque trop la pulsation, mais cela donne une vie et un allant indéniable à cette lecture. 

Ce que proposent Rowicki et le LSO dans le second mouvement, l'Andante sostenuto e moto cantabile, est absolument bouleversant. Rowicki, surtout, met en exergue la parenté wagnérienne de ces pages très émouvantes, à l'orchestration débarrassée de tout artifice inconvenant. L'ouverture thématique du mouvement par le pupitre des bois est une réussite totale, et les timbres vraiment très travaillés. La modulation aux cordes est tout aussi réussie, et on croit entendre assez souvent une réécriture du Tannhäuser. J'émettrai une simple critique sur l'intervention, tout au long de ce mouvement, des violoncelles parfois trop en retrait. La très belle prise de son, très transparente, très claire, aurait permis une reprise thématique par ces instruments plus pertinente et plus marquée, peut-être plus dramatique, comme c'est le cas chez Kertész. L'exposition thématique, la précision analytique de la direction de Rowicki, et la beauté parfois stupéfiante des timbres font de ce mouvement une réussite totale. 
La version de Kertész est très belle. D'emblée, néanmoins, on entend trop les cuivres, et pas assez les bois, dans cette introduction jouée un peu plus rapidement, plus tenue, plus dense. Le pupitre des cordes est dirigé d'une main de maître, souvent plus marqué, plus lyrique que chez Rowicki. On est dans une lecture beaucoup plus romantique, plus clivée, avec un sens du climax qui manque peut-être au chef polonais. Plus de poésie, mais moins de clarté dans l'expositon thématique, dans la mise en évidence de l'intelligence de l'orchestration du compositeur tchèque. 
Les deux versions se valent, mais la richesse et la grande sérénité du propos chez Rowicki l'emportent chez moi. 

Les deux scherzos, Allegro feroce, sont particulièrement réussis, mais Kertész est vraiment à son avantage dans ce mouvement. Rowicki est plus sec, plus incisif, dans l'économie de moyens et installe l'oeuvre dans une amplitude sonore toute maîtrisée. C'est très dynamique, très animé. Kertész est stupéfiant dans ces pages: mêmes qualités que Rowicki (belle amplitude du son, lecture très dynamique), mais en plus de cela, un travail sur les timbres extraordinaire, et surtout, une passion et un engagement réellement impressionnants. C'est aussi une lecture très nationale, beaucoup moins rationnelle et posée que celle de Rowicki. Les bois sont magnifiques tout du long, et les cuivres vraiment très équilibrés. L'interprétation est surtout habitée par un souffle réel, un allant et une intelligence du geste orchestral rares. 

Une fois n'est pas coutume, c'est Rowicki qui se montre le plus vif dans le finale de cette belle symphonie. L'Allegro con brio qu'il propose est tout à fait pertinent, très très coloré, riche de nuances et d'une précision dans la lecture tout à fait remarquable. Kertész est un peu devant encore une fois: plus ample, la direction ouvre un espace sonore plus ambitieux, plus animé, peut-être plus dramatique aussi. Les deux versions sont à un niveau d'excellence qu'il faut souligner et féliciter. Kertész amène peut-être plus de génie au texte, quand Rowicki se focalise sur la mise en évidence très analytique des segments mélodiques et thématiques. 

Deux très belles versions, au sommet de la discographie, qui ne se différencient dans la qualité que de par les partis pris, à l'appréciation de chacun. 

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