dimanche 13 mai 2012

Pourquoi écoute-t-on Bach le dimanche?

Je ne sais pas vous, mais à la maison, le dimanche, c'est baroque. 

Dans une belle part des foyers français, encore aujourd'hui, le dimanche est prétexte à de nombreuses festivités. Pour les plus jeunes d'entre vous, il s'agit souvent d'une dégustation familiale d'un plat en sauce quelconque, qui viendrait s'échouer sur un estomac abîmé par une folle nuit de fièvre festive. Pour d'autres, il s'agira des traditionnels repas d'après Messe, d'après après Chabbat, et j'en passe. 

De plus loin que je m'en souvienne, à la maison, tout petit, mes parents, compréhensifs, m'ont toujours imposé du Bach, et, parfois d'humeur festive et légère, ils s'autorisaient le Requiem de Mozart. Néanmoins, souvent, très souvent, c'était Bach. Paye ton dimanche.





Quoi qu'il en soit, nos dimanches étaient dominés par l'écoute religieuse et apaisée d'une succession ininterrompue de messes et de cantates toutes plus folles les unes que les autres.

Mes parents, plus athées qu'eux tu meures, auraient-ils, pendant des années, cédé à une réflexe primaire et grégaire, qui voudrait que tout amateur de musique dite classique se voit obligé d'expier le dimanche ses errements de la semaine?

Je ne vois que trois raisons objectives à cette transhumance hebdomadaire. Je les énoncerai suivant une hiérarchie simple, allant de la plus acceptable à la plus folle:



  • Le dimanche, on s'ennuie. C'est un passage obligé, presque une tradition. Ingérer l'intégrale de la Passion selon Saint Matthieu serait un acte d'adhésion à ce postulat de base, qui veut que le dimanche s'apparente à un perpétuel calvaire. Une fois la passion achevée (on va tabler sur 4 ou 5 heures), la journée est presque finie. On a souffert, mais on s'en est sorti. On est presque heureux de voir la semaine recommencer. On suit donc un schéma classique, presque liturgique: faute -> pénitence -> délivrance. 
C'est au final une pénitence bien plus douce que d'autres:



Bach, c'est moins lourd qu'une croix, sauf à se trimballer l'intégrale de la musique instrumentale sur le dos. Passons à la deuxième explication plausible:
  • La pression sociale. Parce qu'on a toutes et tous connus une Mamie Marie ou une Grand'tante Christine, engoncée dans sa jupe dominicale comme un fagot de haricots vers mal cuits, le visage rose et porcin évoquant irrémédiablement la laie de bacon cru qu'on aurait oublié de passer au four. Sinon, vous avez eu de la chance. Dans tous les cas, pour faire plaisir à cette intruse gênante, et éviter toute conversation un tant soit peu poussée qui dévierait avec effroi sur des sujets considérés comme inopportuns par Tatie (c'est à dire à peu près tout), se ramasser docilement sur le canapé trop étroit, le visage tendu vers la platine, plein d'une piété toute feinte, justifiait l'écoute de Bach. 

L'illustration obligée:



  • Vous et votre famille aimez réellement la musique de Bach. Vous trouvez dans l'intégrale des Passions matière à discussion, vous vous repaissez de contrepoint comme une fourmi se régale de pucerons. Dans ce cas, vous êtes irrécupérable. L'austérité, pour vous, ça n'est ni nouveau, ni effrayant: c'est un mode de vie. Vous dormez certainement sur une paillasse, ou sur un peu de foin, dans la cellule qui vous fait office de chambre. J'imagine que vous vous nourrissez uniquement de pain de noir, et que vos enfants vont à l'école en sabots. Un seul remède, pour vous. Ca ressemble à Bach, pourtant on s'en éloigne un tout petit peu:







Armez vous de courage, et à force d'écoutes obligées, vous parviendrez peut-être à vous guérir de cette étrange addiction. Moi, j'ai renoncé. 




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